Rendement insuffisant vs manquement disciplinaire : une distinction à faire en matière de fin d’emploi1

La pandémie actuelle due à la COVID-19 a fait grimper le taux de chômage partout sur la planète et le Québec ne fait pas exception.

Ainsi pour juin 2020 le taux de chômage s’établissait à 10,7% en baisse de 3 points par rapport à mai 20202. Au plus fort de la crise soit en avril, le taux de chômage s’élevait à 17.0%3. Cette situation fait que les employeurs s’en trouveront avantagés avec la reprise graduelle de l’activité économique puisque plus de gens se trouveront en recherche d’emploi s’ils ne sont pas rappelés par leur employeur par suite restructuration ou pire encore découlant de fermetures définitives au sein de certaines entreprises.

Toutefois cette flambée soudaine du taux de chômage est temporaire et le Gouvernement du Québec estime que nous finirons l’année 2020 avec un taux de chômage affichant 8% et prévoit le retour au plein emploi, donc un taux de chômage d’environ 5% vers novembre 2021. Les employeurs doivent donc se préparer à faire de nouveau face à l’un des défis les plus importants en situation de plein emploi : composer avec peu de main-d’oeuvre disponible.

Le plein emploi force donc l’employeur à choisir parmi les candidatures qu’il reçoit et le candidat idéal n’est pas toujours au rendez-vous. Au fil du temps, il peut en découler une dégradation des relations de travail alors que celles-ci prennent une tournure qui n’était certes pas celle souhaitée lors de l’embauche.

On a souvent tendance à oublier que tout comme un employé a le droit de quitter en emploi qui ne lui convient plus, un employeur peut également y mettre fin. Dans un cas comme dans l’autre, l’idée est de bien faire les choses pour s’éviter des ennuis par la suite.

Ainsi un employeur insatisfait peut mettre fin à l’emploi pour des manquements disciplinaires ou pour des manquements administratifs. Ces deux bases de congédiement obéissent à des règles différentes.

Un manquement disciplinaire est une décision volontaire de l’employé d’agir incorrectement, un manquement administratif découle plutôt d’un comportement non fautif du salarié qui est incapable ou incompétent au travail, mais à qui l’employeur n’a aucun reproche disciplinaire à formuler.

Le droit est clair : avant de congédier un employé, il faut tenter de corriger la situation. En matière disciplinaire l’employeur doit sanctionner le comportement fautif de manière progressive. On parle de « gradation des sanctions »4. On donnera un avertissement verbal, puis un avertissement écrit. On pourra par la suite imposer une première suspension puis une suspension plus longue et ultimement viendra le congédiement.

En matière administrative d’incompétence ou d’insuffisance du rendement, on ne parle pas de sanction et avant de congédier un salarié, l’employeur doit satisfaire à cinq exigences5 :

  • Le salarié connaissait les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son endroit;
  • Les lacunes du salarié lui ont été signalées;
  • Le salarié a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
  • Le salarié a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster; et
  • Le salarié a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.

Il est donc impératif pour l’employeur d’identifier dès le départ si la problématique de son salarié est de nature disciplinaire ou administrative afin d’appliquer la bonne procédure de redressement avant d’en venir au congédiement. L’employeur doit aussi consigner dans le dossier d’emploi du salarié les avertissements et documenter les mesures disciplinaires ou, en matière administrative, ses notes de rencontres et de suivi avec le salarié ainsi que l’avertissement final du risque de congédiement. Ce faisant, l’employeur pourra démontrer le bien-fondé du congédiement si le salarié décide de porter plainte auprès de la CNESST6 ou dépose un grief auprès de son syndicat.

Finalement, l’employeur se doit d’intervenir auprès de son salarié pour toute toute problématique, disciplinaire ou administrative, et ce, au moment où celle-ci survient. On reprochera à l’employeur qui aurait choisi d’accumuler plusieurs lacunes avant d’intervenir de ne pas avoir réagi à la première occasion ce qui pourrait être interprété comme un signe de tolérance et le manquement ne sera pas retenu contre le salarié qui bénéficiera de cette présomption de tolérance.

Note : L’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.

 

  1. L’information transmise dans ce texte ne constitue pas un avis juridique. Un employeur qui entretient un doute quant à la décision de congédier un salarié devrait préalablement demander conseil afin de s’assurer de respecter les lois et les règlements.
  2. Résultats de l’Enquête sur la population active pour le Québec Données désaisonnalisées de juin 2020, Institut de la statistique du Québec
  3. Résultats de l’Enquête sur la population active pour le Québec Données désaisonnalisées de avril 2020, Institut de la statistique du Québec
  4. Une dérogation à ce principe s’applique en présence d’une faute lourde ou grave de l’employé par exemple le vol, la fraude et le harcèlement sexuel. On pourrait alors congédier l’employé sur-le-champ.
  5. Consacrées par la Cour Suprême du Canada dans A.U.P.E. c, Lethbridge Community College, 2004 CSC 28.
  6. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail.

 

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Nathalie Aube

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